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Mon enfant grand prématuré.

Noah est né le 13 avril 2009, à 25 semaines et 6 jours de grossesse, avec à peine 760 grammes et seulement 33 centimètres. Il me suffit de fermer les yeux pour me retrouver dans cette chambre de l'hôpital Saint Vincent de Rocourt, hospitalisée depuis la 18ème semaine pour un risque de fausse couche tardive. A cette annonce du gynécologue, mon univers s'est écroulé: mon petit garçon, mon bébé, pour moi ce n'était pas concevable de le perdre!

 

Ce petit être que je sentais bouger en moi, ce petit garçon que j'avais hâte de serrer tout contre moi comme je l'avais fait pour mes 3 garçons précédents.

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Pendant plusieurs jours, malgré le stress, la peur, les angoisses, les nuits difficiles et les contractions, je gardais espoir que mon petit bout s'accrochait à la vie comme je m'accrochais à l'espoir de pouvoir croiser son regard... Quelques semaines défilèrent lentement, trop lentement, mais je me suis retrouvée à 25 semaines et 4 jours. Nous étions proches de la 26ème, on s'accrochait tant bien que mal, on se disait qu'un jour de plus était un jour de gagné!

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Une injection pour la maturité des poumons et l'espoir revenait lentement car je n'étais plus la seule à y croire. Les médecins me disaient que mon petit garçon était viable mais... Un grand "mais"... Les séquelles étaient possibles, il serait si petit, si fragile, si immature donc nous avancions à petits pas.

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Malheureusement la poche des eaux n'a pas tenu et une infection importante déclencha une succession d'événements qui nous ont menés, moi et mon bébé, au bloc opératoire. A ce stade de la grossesse, vu la situation, il fallait que Noah sorte sinon il n'aurait aucune chance de survivre à cette infection. Il n'y avait pas de temps à perdre. C'était aussi, pour moi, la première césarienne et ma plus grande crainte était de ne pas pouvoir voir mon petit garçon, de ne pas le prendre contre moi, ne pas lui dire que je l'aime.

 

Cependant les médecins n'avaient pas le choix, il fallait me faire une anesthésie générale. Je me souviens, avant de sombrer dans le sommeil, les larmes au bord des yeux, avoir demandé au Docteur Louis de sauver mon bébé et je me souviens avoir lu dans ses yeux les mêmes inquiétudes que les miennes. Je me réveillai dans une pièce sombre, des appareils autour de moi, la morphine, le monitoring, mon premier réflexe a été de poser la main sur mon ventre. "Où est mon bébé ? Noah ?" Il n'y avait personne pour me répondre, juste l'écho de ma voix et la panique qui me gagnait... Quelques instants plus tard, une infirmière me rejoignit et me donna enfin des nouvelles: "Bébé va bien, papa est auprès de lui." 

 

C'est égoïste de ma part mais une pointe de jalousie m'a envahi: on m'avait pris mon bébé, mes premiers instants, mon premier regard et je m'effondrai en larmes. Le papa fut prévenu de mon réveil et quel soulagement de le voir revenir avec les premières nouvelles.

 

Le choc des premiers instants...

 

Les infirmières du centre me tenaient informée autant de fois que je le réclamais mais il aura fallu 48 heures pour que je puisse voir mon bébé. C'est en chaise roulante que j'ai parcouru les quelques mètres qui me séparaient de Noah. Je sens encore cette odeur, j'entends encore les machines hurlantes. Avant de renter dans la chambre, un pédiatre m'expliqua, du mieux qu'il le pouvait, de me préparer à ce premier regard, ce premier contact. Je dois avouer que ce moment que j'attendais avec tellement d'impatience a été, et reste encore aujourd'hui, le moment le plus marquant de ma vie...

 

Ce petit bout, ce petit être si fragile, cette souffrance m'est revenue en plein visage, une culpabilité immense jamais ressentie jusque là, une tristesse envahissant chaque partie de moi comme une vague déferlante. J'ai senti que pour la première fois je n'étais plus maître ni de mes émotions ni de mon corps. C'est les mains tremblantes que je caressais son petit corps.

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Enfin je me sentais maman mais pas de la même façon que pour les autres. Maman d'un petit miracle, maman d'un petit bout qui, tout comme moi, s'accrochait à l'espoir de croiser mon regard, sentir qu'enfin nous étions là, l'un pour l'autre. Car c'était bien le cas: nous avions avancé ensemble, Noah et moi, comme si le lien arraché venait soudain de se renouer. Les premiers contacts maman-bébé ont été, pour moi, des moments de grand soulagement: le peau à peau durant des heures, cette complicité retrouvée, des moments privilégiés, des moments à tout jamais gravés. 

L'allaitement était une évidence: il venait de donner le meilleur de lui-même pour rester en vie, à mon tour de donner ce qu'il y avait de meilleur. Ça n'a pas été évident loin de lui.

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Les premiers jours de Noah n'ont pas été très faciles: le cri incessant des machines, les infections à répétition, et des moments où l'on croit que tout est perdu comme quand on vous appelle en pleine nuit vous demandant de venir dans l'urgence... "Noah va mal, il ne digère plus rien et il doit être opéré en urgence": au moment où vous pensiez que les choses pouvaient s'améliorer, la réalité de la prématurité vous rappelle à l'ordre. Noah ne pesait pas plus de 1kg quand ils ont dû l'opérer des intestins.

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Une fois de plus, j'ai regardé les médecins me prendre mon bébé et, même si c'est pour son bien, vous vous effondrez, les pires scénarios se bousculent dans votre tête, les dernières paroles que je lui ai dites sont: "Soit fort mon bouchon, maman a besoin de toi, ne me laisse pas, je t'aime..." Les médecins essayaient de nous rassurer, la psychologue du service a été appelée pour être à nos cotés mais je me suis sentie tellement seule, tellement incomprise, tellement impuissante. Cette opération a été un moment très difficile. Une infection et un traitement très lourd ont été nécessaires jusqu'au dernier jour d'hospitalisation. Mais tout cela n'a pas eu raison de notre petit garçon... Ensuite les beaux jours sont revenus: les câlins, le premier bain...

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C'est au bout de 99 jours d'hospitalisation que nous avons pu rentrer chez nous avec un monitoring qui a fait partie de notre quotidien pendant un peu plus d'un an et un suivi approprié dû à son extrême prématurité. Noah a aujourd'hui 5 ans, c'est un petit garçon plein de vie sans aucune séquelle, juste un transit intestinal plus fragile, un poids et une taille qui font de lui un petit mec attendrissant mais avec un caractère bien forgé.

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C'est notre histoire qui m'a donné envie de fonder cette association, cette épreuve a marqué ma vie à jamais mais aussi mes enfants, les grands-parents, les amis... La douleur, la culpabilité, l'impuissance en tant que maman sont des émotions, des sentiments, qu'il faut gérer en plus de la vie au quotidien... 

 

 

Des moments qui font de nous des mamans marquées à jamais par la prématurité.

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Retrouvez toutes les photos de Frédérique Berne-Audéoud dans l'ouvrage Histoires d'Avant - L'apprivoisement du monde de la prématurité (Editions Lieux Dits, 25 €). 

 

La totalité des droits d'auteurs est reversée à l'ARN, Association pour la Recherche en Néonatologie.

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